Sira, une adhérente francilienne d’origine malienne témoigne.

Lorsque la sclérodermie est entrée dans ma vie, ce fut une rencontre brutale, douloureuse, une épreuve que je n’avais jamais imaginée. J’ai tout de suite compris que ce ne serait pas un combat facile. Entre les souffrances physiques et les transformations visibles sur mon corps, chaque jour était un défi. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est le regard des autres, surtout au sein de ma communauté d’origine malienne.

Dans ma culture, cette maladie est souvent mal comprise. On l’associe à la sorcellerie, à une punition pour une faute que l’on aurait commise. Des croyances injustes, cruelles, qui poussent tant de personnes à vivre cachées, terrifiées à l’idée d’être jugées, rejetées. Beaucoup préfèrent souffrir en silence plutôt que d’affronter les murmures et les regards lourds de préjugés.

C’est à ce moment-là que j’ai pris une décision qui allait changer ma vie, rendre ma maladie publique. Partager mon histoire a été l’une des décisions les plus difficiles que j’aie jamais prise. Mais j’ai foncé. J’ai écrit. J’ai écrit pour extérioriser ma douleur, pour mettre des mots sur mes émotions, pour sensibiliser, pour réveiller les consciences. J’ai écrit pour toutes celles et ceux qui, comme moi, vivent avec la sclérodermie dans le silence et l’isolement.

Petit à petit, une communauté s’est formée. Beaucoup m’ont écrit, se sont confiés. Nombreux sont ceux qui se focalisent sur leur dépigmentation, sur les signes visibles de la maladie, mettant toute leur énergie à essayer de cacher ce que la sclérodermie a changé en eux, simplement pour éviter d’être jugés. En osant parler, en assumant ma déformation et ma dépigmentation, j’ai compris que je pouvais aider les autres à s’accepter aussi.

Alors, j’ai voulu aller plus loin. J’ai commencé à partager des vidéos de mon quotidien : mes séances de kinésithérapie, mes courses, mes moments en cuisine… Mais aussi mes instants où je prends soin de moi, je me maquille, j’attache mon turban, je choisis ma tenue du jour. Parce que la maladie ne doit pas m’empêcher d’aimer la mode, de me sentir belle, de m’exprimer à travers mon style. Ces vidéos sont devenues un espace d’échange, de bienveillance et de motivation. Elles permettent à d’autres malades de se reconnaître, de se sentir moins seuls et, parfois même, de retrouver un peu d’espoir. À travers ces instants de vie, je veux prouver qu’il est possible d’exister pleinement, même avec une maladie comme la sclérodermie.

Avec le temps, ma communauté s’est agrandie et j’ai fini par ouvrir un compte Instagram. Ce nouvel espace me permet de partager encore plus de contenus, d’échanger avec encore plus de monde, et d’inspirer ceux qui, comme moi, veulent reprendre confiance en eux malgré la maladie.

J’ai aussi eu la chance de croiser la route de l’ASF via sa déléguée régionale Chantal, une personne précieuse qui m’aide à mieux comprendre et répondre aux besoins de ma communauté. Parfois, il est difficile de conseiller des personnes en détresse à travers un écran, mais elle m’éclaire énormément.

Mon objectif est clair : briser le silence, pousser les personnes atteintes de sclérodermie à assumer leur maladie, à comprendre qu’elles ont de la valeur. Être malade n’est pas un choix. Mais décider de se battre et de laisser les préjugés derrière soi, c’est la plus belle décision que l’on puisse prendre.

Mon rêve ? Qu’un jour, on arrête de penser qu’une personne malade ne compte plus dans la société. Parce que nous avons autant de valeur que n’importe qui.

Sira